Bottes Imperial
L’atelier Imperial Boots a ouvert ses portes il y a 47 ans. Immigrant crétois et artisan bottier, John Stathoudakis en est demeuré le seul et unique propriétaire. Cet établissement riche en histoire a cessé définitivement ses activités à l’automne 2016, quand John a dû prendre une retraite forcée – son seul employé et apprenti étant tombé malade. Comme il l’allègue avec exubérance : « Si j’avais eu à mes côtés quelqu’un d’expérimenté pour m’aider, je n’aurais pas fermé boutique… J’aurais gardé l’atelier encore cinq ans, peut-être dix ans, même. »
L’histoire de John Stathoudakis est celle du triomphe sur l’adversité. Arrivé au Canada en 1968 et ne parlant pas l’anglais, il travaille d’abord comme nettoyeur pendant un an jusqu’à son embauche comme apprenti bottier. De cette expérience émerge une véritable passion. Rien de surprenant, puisqu’il est très rapide et peut façonner des bottes et des chaussures d’une qualité incroyable. Capable de fabriquer onze paires de chaussures en une journée, mais travaillant à salaire fixe, John est d’avis que ses compétences ne sont pas suffisamment rémunérées et décide de démarrer sa propre entreprise.
Il ouvre son atelier-boutique, Imperial Boots, en 1970; il loue les locaux nécessaires auprès du père de Ron Vinberg pour la somme de 250 dollars par mois. John travaille durant un mois entier, fabriquant des chaussures et préparant son atelier pour l’ouverture. À son grand désarroi, personne n’entre dans sa boutique durant le premier mois d’activité. Se rendant au travail à pied chaque jour puisqu’il ne pouvait se permettre de prendre le métro, s’affairant dans son atelier du petit matin à minuit, John demeure tout de même motivé. Bientôt, des clients se pointent à l’entrée de sa boutique.
Après quelques années, John commence à se bâtir une solide réputation en raison de la grande qualité de ses chaussures sur mesure. Certains tentent de se joindre à lui comme partenaires d’affaires, tandis que d’autres ouvrent des boutiques concurrentes dans le voisinage, sur la rue Sherbrooke. Mais l’artisan reste confiant : « Quelqu’un m’a dit “John, personne ne peut te forcer à fermer, parce que tu connais bien ton métier…” Je sais tout faire, je ne confectionne pas uniquement des bottes. Je fabrique de tout – des talons hauts, des talons plats, des souliers plateformes, des cuissardes, des bottes montantes ou courtes, de toute sorte, de toute pointure. »
John fabrique des chaussures sur mesure pour les résidents de Montréal tout comme pour les célébrités – dont Sharon Stone qui avait commandé trois paires de bottes, un lutteur qui chaussait du 21,5 US, les plus grands souliers que John ait eu à fabriquer dans sa carrière, et un musicien californien qui, en une seule visite, avait acheté douze paires de chaussures en crocodile et deux paires de bottes en cuir d’autruche, le tout pour quelque 20 000 dollars dans les années 1990.
John Stathoudakis se targue d’avoir créé des bottes sur mesure et de style élaboré pour une clientèle qui lui est restée fidèle depuis les années 1970. Imperial Boots a été la première boutique de bottes sur mesure tenue par un Grec à Montréal – s’y sont ajoutés beaucoup d’autres magasins du genre au cours des années 1970 et 1980. C’est toutefois le dernier à avoir subsisté dans le quartier. Point de repère original et intrigant, l’enseigne de l’atelier Imperial Boots arbore une véritable botte de cuir blanc, suspendue à l’intérieur d’un boîtier rectangulaire garni de petites ampoules de marquise.
John s’est procuré son enseigne pour la somme de 600 dollars et l’a installée en juin 1970. À propos du nom Imperial Boots, il explique : « À quelques pas se trouvait le cinéma Impérial. Je me suis dit : “C’est un gros nom! C’est un bon nom.” »